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Sarah Bernhardt

"Le rêve de Théroigne de Méricourt"

Sarah Bernhardt (1844-1923) "Rêve de Theroigne de Mericourt" Disque ZON-O-PHONE
International Zonophone Company 25cm, numéro de catalogue X-2129, [enregistré à Paris, janvier-février 1903].

Fragment de la scène VIII, acte V, de Théroigne de Méricourt , pièce de Paul Hervieu (1857-1915)
créée 23 décembre 1902 à Paris au théâtre Sarah-Bernhardt.

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écoutez ici (mp3)
vous pouvez suivre le texte ci-dessous durant l'audition
ici un beau portrait de Sarah

 

Acte V scène VIII
THÉROIGNE

Dans les profondeurs du sommeil, j'entendais une immense acclamation. Une femme m'apparut, que tous saluaient de ce même cri : "- Vive la Révolution!" Mais, dans les traits de son visage, je reconnus, avec stupeur, le mien.

LA FOULE
Ha! ha! ha!

THÉROIGNE
C'était moi! J'incarnais la Révolution. J'étais parée de belles couleurs blanches, rouges et bleues. Je tendais vers tout l'univers des mains fraternelles. Je prononçais des phrases sublimes. J'accomplissais des actes prodigieux. J'étais, vous dis-je, la Révolution !

LA FOULE
Ha! ha! ha!

THÉROIGNE
Soudain, le froid d'une bouche morte s'approcha de mon oreille. Ce François Suleau, dont j'ai assuré l'immolation, me suivait et me disait : "- Tu as goûté au moyen le plus sûr d'avoir toujours raison; tu ne te déshabitueras plus de tuer le contradicteur, de tuer pour qu'on se taise, de tuer encore, parce que tu auras tué !" Et je me sentis précipitée dans un océan pourpre, sur lequel roulaient des milliers de têtes coupées chez toutes les castes : têtes fines à cheveux d'argent, têtes hâlées d'où pendaient des barbes grossières, blondes têtes de femmes, des têtes même d'enfants ! Je me défendais contre leurs dents grinçantes.

Je criais : "- Erreur!... Vous me prenez pour la tyrannie. C'est elle seule qui, depuis les origines du monde, a eu le loisir de faire tant de têtes sans corps... Moi, vous voyez bien ma cocarde fraîche ! Je suis la Liberté nouvelle ! Je suis la généreuse Révolution !..." Mais toutes les têtes aux yeux fixes répondaient "C'est pourtant toi !... C'est toi qui nous as tranchées au ras des épaules, ouvrant ainsi les sources rouges, vidant les précieux réservoirs de sang qui se sont perdus en cette mer fumante. C'est toi, égale aux pires tyrannies, toi ! toi ! Révolution !"

 

revers du disque

 

 

Sarah Bernhardt par Nadar

 

  Reproduction in André Foulon de Vaulx, « Antoine Vestier. 1740-1824. Notes et Renseignements », Extrait de Carnet historique et littéraire , Paris, Émile Paul Éditeur, 1901

 

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Discours prononcé par Mlle Théroigne à la Société fraternelle des minimes, le 25 mars 1792, l'an quatrième de la liberté, en présentant un drapeau aux citoyennes du faubourg St Antoine. Télécharger ce discours au format PDF (312 ko). Source Gallica.

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SISINA

Imaginez Diane en galant équipage,
Parcourant les forêts ou battant les halliers,
Cheveux et gorge au vent, s'enivrant de tapage,
Superbe et défiant les meilleurs cavaliers !

Avez-vous vu Théroigne, amante du carnage,
Excitant à l'assaut un peuple sans souliers,
La joue et l'œil en feu, jouant son personnage,
Et montant, sabre au poing, les royaux escaliers ?

Telle la Saisine ! Mais la douce guerrière
À l'âme charitable autant que meurtrière,
Son courage, affolé de poudre et de tambours,

Devant les suppliants sait mettre bas les armes,
Et son cœur, ravagé par la flamme, a toujours,
Pour qui s'en montre digne, un réservoir de larmes.

Charles Pierre Baudelaire, Les Fleurs du Mal

 

 

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