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LA DIFFUSION DE L'ENREGISTREMENT SONORE
EN FRANCE À LA BELLE ÉPOQUE (1893-1914)
Artistes, industriels et auditeurs du cylindre et du disque

Thèse de doctorat en histoire contemporaine présentée par Henri CHAMOUX, soutenue à Paris, le 7 décembre 2015


RÉSUMÉ

TABLE

ABSTRACT

RÉSUMÉ : Le miracle technique de la voix et de la musique enregistrées pour être écoutées dans le cadre domestique, se répandit plus tôt qu’on ne l’a admis jusqu’ici. Produits par dizaines de millions en France avant 1914, les enregistrements phonographiques sur cylindres et disques révèlent aujourd'hui qu’une puissante industrie s’épanouit dès l’aube du XXe siècle en France pour conduire, bien avant la radio, à une forme de banalisation de la musique.
Ces phonogrammes sont désormais numérisés, accessibles et audibles en grand nombre. Avec d'autres sources naguère difficiles à exploiter, ils révèlent la richesse du répertoire enregistré et nous restituent une image sonore altérée mais suffisamment fidèle, de la plupart des genres musicaux alors à la mode, notamment les genres vocaux, alors les plus goûtés.
L'audition commentée des contenus enregistrés ouvre de nombreuses portes pour conter l'histoire politique et sociale de leur temps. Cet ouvrage traite par ailleurs des circonstances de la première application du droit d'auteur au disque, ainsi que de l'identité, voire l'authenticité des personnes enregistrés, liées aux contraintes techniques de la fabrication et de la reproduction des enregistrements. Sont également prises en considération la réception du phonographe dans divers milieux, ainsi que les pratiques des premiers acteurs de ce marché : artistes qui confièrent leur voix au phonographe, producteurs, auditeurs et autres usagers.

Autre résumé :
Le miracle technique de la voix et de la musique enregistrées pour l'audition dans le cadre domestique, se répandit plus tôt qu’on ne l’a admis jusqu’ici. Les enregistrements phonographiques sur cylindres et disques révèlent aujourd'hui qu’une puissante industrie s’épanouit dès l’aube du XXe siècle en France pour conduire, bien avant la radio, à une nouvelle forme de vulgarisation musicale.
De quelle manière cette industrie s'est-elle imposée ? En quoi consiste le lien entre les moyens employés pour la production en série, et la qualité des artistes retenus pour l'enregistrement de studio ? Quelle est la corrélation, entre le répertoire du spectacle parisien vivant, et le répertoire enregistré ? Les cylindres et les disques ont été produits à plus de 100 millions d'unités entre 1900 et 1914, pour le seul marché interne hors colonies. Comment l'existence d'une production si massive a-t-elle pu si longtemps échapper à l'historiographie ?
Devant le manque d'archives écrites, il aura fallu, pour répondre à de telles questions, la conjugaison de plusieurs facteurs parmi lesquels on retiendra : l'accès, naguère difficile à obtenir, aux archives de sociétés phonographiques privées ; l'identification de travaux discographiques portant sur la période, peu connus ; la collecte de documents non soumis au dépôt légal, qui ont échappé aux circuits traditionnels de conservation. Ceci comprend les catalogues commerciaux, mais aussi et surtout la recherche des disques et cylindres de la Belle Époque. Cette quête archéologique singulière s'appuie sur la création de deux outils pour le traitement des objets sonores anciens, repérés en grand nombre dans des collections françaises, publiques et privées. Ces outils sont l'Archéophone, pour la lecture et la numérisation des cylindres, et la Phonobase, qui permet l'audition libre en ligne de disques et cylindres, ainsi que l'examen quantitatif et qualitatif de ces enregistrements.
Ces fragiles phonogrammes révèlent la richesse des premiers répertoires enregistrés ; ils restituent une image sonore altérée mais suffisamment fidèle de la plupart des styles musicaux alors à la mode. Les pièces chantées sont alors les plus goûtées, sur les planches comme au phonographe, et parmi les contenus enregistrés, les genres musicaux les moins académiques (café-concert) sont les plus représentés, interprétés par des artistes très nombreux. Bien loin des figures légendaires de Melba ou Caruso, ces intervenants qui confièrent leur voix au phonographe ont constitué ensemble l'immense majorité de la production phonographique française à la Belle Époque.
Leurs chansons, qui racontent l'histoire politique et sociale de leur temps ; les méthodes de vente proposées par les producteurs : vente en lots, par correspondance, à crédit ; les pratiques des auditeurs, que l'on peut déceler sur les objets eux-mêmes : tout tend à prouver que le phonographe à domicile n'est pas alors réservé à une élite, mais qu'il est bien au contraire un loisir populaire, ou pour le moins destiné à une bourgeoisie modeste.

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION    11
1. Objets au purgatoire    16
2. Dans le sillage des inventeurs    18
3. De nombreuses questions    19
4. Cadre de cet exposé    23

PRÉSENTATION DES SOURCES    29
1. Les cylindres et les disques    31
1.1. Cristaux, moisissures et microscope    32
1.2. Sur la lecture et la restauration des cylindres    36
1.3. Indexation et numérisation des disques et cylindres    38
2. Archives orales et rééditions sonores    43
3. Le papier     44
2.1. Sources d'archives    44
2.2. Catalogues et autres ouvrages non déposés    46
2.3. Périodiques    48
2.4. Les monographies sur le son enregistré    50
2.5. Sources et historiographie anglo-saxonnes    55
2.6. La discographie    61

I - DE LA SCÈNE AUX SILLONS    67
1. Salles et spectacles en 1900    72
1.1. De nombreux fauteuils à Paris    72
1.2. Des représentations quotidiennes en grand nombre    74
1.3. Géographie des artistes et des marchands de musique    77
1.4. Les meilleurs classements au phonographe    80
2. Tour d'horizon des genres lyriques de la Belle-Époque    84
2.1. Opéra    84
2.2. Opéra-comique    85
2.3. Opérette    87
2.4. Opéra bouffe    88
2.5. Mélodie de concert    90
3. Orchestres seuls et soli instrumentaux    94
3.1. Musique d'orchestre, musique de chambre    94
3.2. L'orchestre de la Garde républicaine    97
4. Le café-concert    98
4.1. Regard sur le quotidien    100
4.1.1. Comique troupier    101
4.1.2. Grivoiserie     102
4.1.3. La femme    105
4.1.4. La santé    110
4.1.5. Les nouveautés modernes    112
4.2. Regard sur la France et l'étranger    113
4.2.1. Anticléricalisme    113
4.2.2. Le système politique    118
4.2.3. Les nations étrangères    120
4.2.4. Ostracismes    123
4.3. La chanson contestataire    126
4.3.1. Héroïsme et bravoure    126
4.3.2. La condition ouvrière    128
4.4. Un répertoire musical inédit    131
4.4.1. Monologues avec citations de titres d'œuvres du répertoire    133
4.4.2. Monologues avec citations de phrases musicales    136
4.4.3. Monologues ou chansons avec citations sur des airs connus    138
5. Les tout premiers répertoires enregistrés    139
5.1. Le cas d'Émile Berliner    139
5.2. Premiers répertoires diffusés    141
6. Le droit appliqué au répertoire enregistré    144
6.1. Naissance du droit d'auteur    145
6.2. Le droit d'auteur appliqué au phonographe    149
6.3. La première crise de l'industrie phonographique française    157
6.4. La mise en place de l'outil de perception des droits    164

II - PRODUCTIONS ET REPRODUCTIONS    169
1. La production à l'unité    175
1.1. Contraintes, écueils à la prise de sons    175
1.1.1. Limites temporelles et découpes sauvages    175
1.1.2. Conditions d'enregistrement difficiles    179
1.1.3. Erreurs et omissions néanmoins publiées    189
1.2. L'engagement des artistes    193
1.2.1. Le recours aux artistes anonymes    193
1.2.2. L'enregistrement comme tremplin vers la notoriété    196
1.2.3. L'arrivée au studio des artistes réputés    200
1.3. L'impossible reproductibilité chez Henri Lioret    204
1.3.1. Le brevet de Lioret sur la duplication    205
1.3.2. Un exemple : les cylindres d'Eugénie Buffet    208
1.3.3. Des cylindres uniques    213
2. La production en série chez Pathé et ses concurrents    215
2.1. La copie pantographique    218
2.1.1. Un drôle de poisson d'Espagne    218
2.1.2. Les défauts sonores du pantographe et leur contrôle    225
2.1.3. L'usage des annonces parlées    229
2.2. Reproduction des cylindres par moulage et galvanoplastie    232
2.2.1. Insuccès d'Edison en France    233
2.2.2. Le moulage chez Pathé    238
2.3. Le passage au disque chez Pathé    245
2.3.1. Pathé se singularise    245
2.3.2. Circulation et vente des disques    248
2.3.3. L'exportation des disques Pathé    252

III - L'ACCUEIL FAIT À LA MACHINE PARLANTE    259
1. Une nouveauté décriée dans le milieu intellectuel    262
1.1. Une vision d'avant-garde pessimiste    262
1.2. Une invention bruyante et inutile    267
2. L'ambition déçue du disque parlé    274
2.1. Célèbres discours d'actualité enregistrés par des comédiens    274
2.2. La première illustre et authentique voix publiée    278
2.3. Autres discours authentiques plus tardifs    281
2.4. Le théâtre invisible    283
2.5. Reconstitutions ou morceaux descriptifs     284
3. Échecs commerciaux et applications peu suivies    288
3.1. Le disque-prime    288
3.2. L'aventure du Pathé-Théâtre    289
3.3. Enregistrements pour l'éducation et la recherche    291
3.4. Enregistrements d'amateurs    302
3.4.1. Portraits de famille    303
3.4.2. Choses inavouables et autres confidences    309
3.4.3. Tranches de vie et contenus pour l'édification    310
4. Les usages auprès du grand public    311
4.1. Pratiques d'achat    312
4.2. Le rituel de l'écoute    317
4.3. Vers la discophilie    320
4.4. Primauté de l'image sur le son    323

CONCLUSION    331

BIBLIOGRAPHIE    341
1. Sources primaires    343
1.1 Sources matérielles    343
1.2 Sources d'archives    343
1.3. Autres sources primaires    346
2. Sources secondaires    358
2.1 Vidéos    358
2.1 Archives orales et rééditions de documents sonores    358
2.2. Notes personnelles d'entretiens    361
2.3. Mémoires d'artistes    361
2.4. Discographies    361
2.5. Monographies et articles sur l'histoire du son enregistré    362
2.6. Autres ouvrages    367
2.8. Sites web    374

ANNEXES    377
1. Ode au Gramophone    379
2. Le Barbier de Séville    381
3. Un monsieur bien informé et Récit fantastique    385
4. Art culinaire    393
5. Le muet mélomane    397
6. Liste des distributeurs et détaillants    401
7. Formats de cylindres    407


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ABSTRACT
The broadcasting and distribution of sound recordings during the Belle Epoque in France (1893-1914): artists, manufacturers, as well as those who listened to records and cylinders.
The technical miracle of recording voices and music to be listened to within the home developed much earlier than anybody has ever acknowledged. Manufactured in tens of millions in France before 1914, phonographic recordings on cylinders and records reveal today that powerful industries thrived in France very early in the 20th century, thus making music quite commonplace long before the radio ever did.
These recordings have now been digitized, and a great many can be accessed and listened to on line. Along with other source materials that not long ago proved hard to exploit, they show how rich the recorded repertoire was. These recordings offer a slightly distorted but sufficiently faithful sound and give us access to most of the music genres fashionable at the time, namely the much appreciated vocal genres.
The recorded content of this repertoire with its detailed listening guide gives a new insight into the political and social history of their time. This work also deals with the circumstances in which the first copyright legislation was implemented, the identity and exactness of the recorded artists in connection with the technical constraints in the making and reproduction of recordings. How the phonograph itself was greeted is also examined in detail as well as the habits and routines of the very first players on the market: artists, manufacturers, listeners and other users.

Among the facts developped in this 400 page PDF
- In 1880 in Paris, mostly in the Boulevards area, there were 50 000 theater seats available every evening for academic plays or musics played in the 30 most prominent theater places, and 50 000 more in 400 other places for café-concert and vaudeville.
- Symphonic and chamber music was only available "on season", between october and may, the elitist way, for a few dozen representations (weekly sessions).
- Lyric and sung music was available every night - and days - some theaters provided 500 times the same play per year, i.e. twice or more, daily.
- The record dealers who made real bargains were the ones who settled close enough to these places.
- French répertoire is very specific, especially as regards the café-concert. And phonograph gives authentic "snapshots" of what it actually was on the scene. Especially : there is a very very few descriptive sketches prepared for the disc in France, on the contrary of what can be found in the US and GB.

- The very rare artists who actually did let us interviews or written or printed information about what was really happening in the earliest studios, were all modest artists, (like Charlus, Bergeret, or Bérard) from the café-concert, and never prominent ones, from the academic music, who rather hide this aspect of their career...

- A word about the three cylinder duplication techniques in France :

-1 recorded one per one in front of a recording machine, or in front of several machines (1893-1900)
-2 duplicated with pantograph (1899-1903... and much later at Pathé)
-3 duplicated with pantograph and galvanoplasty (1903-1927).

- There is a strong link between these 3 techniques and the value of the artists involved. For instance Henri Lioret had a patent for cylinder duplication but it is now possible to prove he never mastered his own technology and this is why his artists are almost always anonymous. They only recorded cylinders one per one at Lioret, and not even in front of a bunch of several machines. The very prominent Paris artists massively arrived to other studios in 1902-1903 only, thanks to pantography and galvanoplasty.

- In 1902, a single man, Lucien Vivès, who was an unlucky singer on stage, but a talented businessman, began to sell phonographs. He designed the very special 63-thread-per-inch-groove-Celeste-size-cylinder called "le Samson" and recorded himself on it. He decided to sue against all the phonograph makers together in Paris in order to get a new thing to the profit of music scores publishers and composers : the copyright applied to the disc and cylinder. He won in Feb. 1905 and earned the management of the stamp duty on labels, saving a comfortable 40 percent for himself on the back of the music publishers. More breaking news : it is Gianni Bettini himself, a famous pioneer of the phonograph industry, who provided Lucien Vivès the money for the trial !

- Why Edison did not get more than 15 percent of the French market? And why French Edison Co closed for bankrupcy before 1910? In 1902-1903 Edison had to compose with a Frenchman who was a well covered owner of a French patent for cylinder duplication : Fernand Desbrière, owner of the label "La bouche d'or". Since 1899, Desbrière had his duplication plant in Levallois-Perret near Paris. Edison blanks (French répertoire) were cut in Paris then sent to New Jersey to be processed in vacuum, this is the gold moulded process, which was a well kept industrial secret. Then metallic moulds would be sent back to Levallois-Perret to be duplicated on wax. Levallois-Perret burnt by the end of 1905. Edison was not installed at the right place near the boulevards and obviously Edisons lieutenants were not good at searching the best French artists at the theater places. After the 1905 fire Edison's French répertoire was moulded in Bruxelles and Berlin and imported...

- My preferred facts : Pathé produced 25 million cylinders and 25 million discs. Pathé is 50 percent of the market.  Anglo-american in france (Gramophone, Zonophone) is 20 percent, Germany and England (Odeon, Favorite, etc.) is 15 percent or so, the others are a myriad of smaller French labels.
 
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